Glyphosate : l’heure de vérité à Bruxelles

Philippe DONNART


Ce vendredi 13 octobre, les pays membres de l’Union européenne ont la tâche de prendre une décision importante concernant le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Le dossier de cet herbicide est complexe, mélangeant des problématiques politiques, des influences de l’industrie agroalimentaire, des opinions scientifiques divergentes, des inquiétudes sanitaires et la colère des militants écologistes. Tout cela forme un véritable roman à multiples facettes.

Glyphosate : Une décision cruciale pour l’Union européenne

Les vingt-sept États membres de l’Union européenne se réunissent aujourd’hui pour discuter du sort du glyphosate, et doivent prendre une décision demain, un vendredi 13. Malgré les superstitions associées à cette date, il est temps pour l’UE de se décider sur l’autorisation de cette molécule de synthèse. L’autorisation des usages du glyphosate expire le 15 décembre 2023, et sa réautorisation avait été prolongée d’un an en 2017, suite aux retards dans son évaluation scientifique.

Cependant, ce délai supplémentaire n’a pas permis de clarifier la situation. Le grand public est toujours tiraillé entre les conclusions rassurantes des agences européennes de sécurité des aliments (EFSA) et des produits chimiques (ECHA), et les signaux d’alerte lancés par les médecins et le monde de la recherche, notamment le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les effets du glyphosate sur la santé humaine ne sont pas les seuls en question, mais aussi son impact sur la faune, la flore et le modèle agricole.

La Commission européenne a récemment proposé de renouveler l’autorisation du glyphosate pour dix ans, sous certaines conditions. Cependant, certains pays comme le Luxembourg et l’Autriche ont déjà annoncé qu’ils voteraient contre cette proposition. Les Pays-Bas et la Belgique devraient s’abstenir, tandis que l’Allemagne semble divisée. La position de la France reste floue à ce jour.

Il y a six ans, Emmanuel Macron avait promis la fin du glyphosate d’ici 2021 au plus tard, en réponse aux préoccupations environnementales. Cependant, depuis lors, le président français a fait marche arrière sur la question des pesticides, et ses ministres de l’Agriculture successifs n’ont pas remis en question les positions défendues par la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire. La France n’est cependant pas d’accord avec la proposition de la Commission européenne, qu’elle juge trop laxiste.

Les défenseurs de l’environnement continuent de s’opposer fermement à l’utilisation du glyphosate. En juillet, l’EFSA a reconnu des zones d’ombre dans l’évaluation du glyphosate et a mentionné un risque élevé à long terme chez les mammifères. La Commission européenne a tenu compte de ces préoccupations en demandant des mesures de protection des eaux souterraines et de prévention de la dérive des pulvérisations.

Les défenseurs de l’environnement soulignent cependant la faiblesse de ces restrictions et continuent de demander l’interdiction totale du glyphosate. En France, l’association Générations Futures affirme que le dossier européen est incomplet et illégal car il n’y a pas d’évaluation du risque pour les plantes aquatiques. Elle promet de poursuivre l’affaire en justice si le glyphosate est réautorisé sur cette base.

La décision finale sur le sort du glyphosate en Europe sera donc cruciale et devra tenir compte des différentes préoccupations et arguments. L’utilisation de cette molécule de synthèse a des conséquences majeures sur la santé humaine, l’environnement et l’agriculture, et il est essentiel de prendre une décision éclairée et responsable. Reste à savoir si cette décision sera prise un vendredi 13 ou non.