Influence du « phénomène Werther » sur le harcèlement en ligne.

Philippe DONNART


Le réseau social TikTok fait face à une plainte déposée par les parents de Marie, une adolescente de 15 ans qui a malheureusement mis fin à ses jours en septembre 2021 à Cassis. Cette tragédie a soulevé de nombreuses questions quant à la responsabilité des réseaux sociaux dans de tels incidents. Cependant, certains spécialistes estiment qu’il serait réducteur de ne blâmer que les plateformes en ligne pour de tels drames.

Un drame sur TikTok : une adolescente se suicide après avoir été harcelée en ligne

Marie, une jeune fille de 15 ans, s’est tragiquement suicidée à Cassis, dans les Bouches-du-Rhône, suite au harcèlement scolaire qu’elle subissait concernant son poids. Comme de nombreux adolescents, elle passait beaucoup de temps sur la plateforme TikTok. Quelques semaines avant sa mort, elle a publié une vidéo où elle évoquait sa souffrance, ce qui a généré l’arrivée d’autres vidéos sur le même thème sur son compte, grâce aux algorithmes de la plateforme.

L’influence néfaste des réseaux sociaux : TikTok mis en cause

Les parents de Marie, soutenus par leur avocate Laure Boutron-Marmion, estiment que TikTok porte une part de responsabilité dans le passage à l’acte de leur fille. Selon l’avocate, les plateformes et les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la vie des adolescents, surtout lorsqu’ils sont déjà fragilisés par du harcèlement.

« Par l’algorithme, l’adolescente a reçu en masse ces vidéos qui sont sur le même thème et qui ne peuvent que conduire à être encore plus mal »

Laure Boutron-Marmion, avocate

Les experts en santé mentale soutiennent l’analyse de l’avocate, tout en apportant certaines nuances. En effet, il existe un phénomène connu sous le nom d' »effet Werther », inspiré par les suicides en série qui ont suivi la publication du roman « Les Souffrances du jeune Werther » de Goethe. Ce phénomène décrit une augmentation des taux de suicide après des expositions médiatiques, un concept qui n’est pas nouveau. Le psychiatre Charles-Edouard Notredame précise que cet effet a évolué avec l’apparition des médias traditionnels et des transformations numériques. Il explique que les publications médiatiques se font désormais massivement en ligne, et que chacun peut poster du contenu sur les réseaux sociaux, ce qui peut potentiellement exposer à des effets similaires à l’effet Werther.

Un suicide est rarement le résultat d’une seule cause

Néanmoins, les spécialistes soulignent que le suicide ne peut être attribué uniquement à ces publications en ligne. Selon le psychiatre Charles-Edouard Notredame, le suicide est rarement le fruit d’une cause unique, mais plutôt le résultat d’un parcours de vie complexe. Il compare ce phénomène à une goutte d’eau qui fait déborder le vase, un événement qui précipite le passage à l’acte, mais qui ne peut être considéré comme la seule responsable de cet acte tragique. Parfois, les réseaux sociaux peuvent même jouer un rôle positif en encourageant les jeunes à chercher de l’aide.

« Il ne faut pas oublier non plus que, certes, il y a des influences des réseaux sociaux qui peuvent être à risque, mais aussi d’autres qui peuvent être extrêmement positives »

Charles-Edouard Notredame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent

Il est important de rappeler que les réseaux sociaux peuvent être une source d’information précieuse et d’aide pour les adolescents en détresse. Par exemple, TikTok affiche le numéro national d’urgence et de prévention du suicide, le 3114, dès qu’un internaute recherche le mot « suicide » sur la plateforme. Cependant, certains jeunes trouvent des moyens détournés pour contourner ce type de protection, en utilisant des mots similaires à « su!c!de » lors de leurs recherches.

Depuis le suicide de Marie, une enquête a été ouverte sur les faits de harcèlement scolaire. Les parents de la jeune fille ont porté plainte contre TikTok, et le parquet de Toulon estime que cette affaire mérite une analyse approfondie.

Des ressources pour lutter contre le suicide et le harcèlement

En cas de besoin d’aide ou d’inquiétude concernant le suicide d’un proche, il existe des services d’écoute anonymes disponibles 24h/24 et 7j/7. La ligne Suicide écoute est joignable au 01 45 39 40 00. Le ministère des Solidarités et de la Santé propose également des informations supplémentaires sur son site.

Pour signaler une situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, des numéros gratuits, anonymes et confidentiels sont disponibles : le 3020 pour le harcèlement à l’école, et le 3018 pour le cyberharcèlement. Ces numéros sont joignables du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures. Le ministère de l’Éducation nationale propose également des informations complémentaires sur son site.