Influenceurs catholiques français cherchent réconciliation jeunesse-Église sur réseaux sociaux

Philippe DONNART

Suite aux orientations prises par le pape François, de nombreux influenceurs présents sur les réseaux sociaux tels que TikTok, Instagram et YouTube ont acquis une grande renommée.

Cette popularité a conduit l’Église de France à essayer de les ramener sous son autorité. Le frère Paul-Adrien, qui se proclame « le seul prêtre consacré à l’évangélisation sur internet », reçoit désormais ses fidèles dans ses nouveaux studios situés au cœur de Paris. Chaque semaine, il prêche à environ 249 000 abonnés sur YouTube et à 58 000 curieux sur TikTok. Ce créateur de contenu de 41 ans est imité par plusieurs prêtres et religieuses françaises sur ces plateformes, suivant ainsi le chemin initié par Benoit XVI et balisé par son successeur François.

Déjà en janvier 2014, le pape encourageait les croyants à ne pas avoir peur de devenir des citoyens du monde numérique. Il soulignait également l’importance de la présence de l’Église dans le domaine de la communication pour dialoguer avec les hommes de notre époque et les amener à rencontrer le Christ.

Le pape François a été le premier à reconnaître et encourager cette présence numérique, selon le père Matthieu, lui-même devenu une star sur TikTok avec plus de 1,2 million de followers. Comme les autres influenceurs catholiques interrogés, le frère Paul-Adrien a commencé son aventure sur les réseaux sociaux avec de bonnes intentions.

Après le confinement, il ressentait le besoin de retrouver les gens et a trouvé dans YouTube et TikTok une médiation idéale pour répondre aux questions de sens qui préoccupent chacun aujourd’hui. Depuis la pandémie de Covid-19, les comptes de ces influenceurs catholiques connaissent un véritable succès, ce qui a conduit le supérieur du frère Paul-Adrien à lui permettre de se consacrer entièrement à la diffusion de la parole divine sur internet. Il constate qu’il y a actuellement beaucoup plus d’attentes spirituelles et religieuses qu’il y a dix ou quinze ans. Le frère Paul-Adrien a commencé en consacrant ses premières vidéos à ses loisirs, inspiré par le célèbre youtubeur Squeezie. Trois ans après la création de sa chaîne, il jongle entre des formats longs tels que la « théologie popcorn », des « battles entre prêtres » ou encore « Docteur Love », et des formats plus courts liés à l’actualité. Il est également présent sur TikTok et Instagram où, se souvient-il, ses premières stories étaient « aussi laides que le péché ». Le frère Paul-Adrien préfère se présenter comme un prédicateur plutôt que comme un influenceur afin d’éviter de donner l’impression de manipuler les gens. Il utilise un ton positif et estime que ses abonnés voient un prêtre autoriser des choses pour la première fois, alors que l’Église catholique est souvent perçue comme interdisant diverses pratiques. Pour lui, il marche dans les pas de saint Dominique, un ermite du XIIIe siècle qui a fondé un ordre et prêchait dans la rue, alors qu’il prêche sur les réseaux sociaux. Sa visibilité sur les réseaux sociaux lui permet également de recevoir des dons via Tipee.

D’autres influenceurs catholiques ont choisi d’utiliser les réseaux sociaux pour partager leur parcours religieux parfois complexe. C’est le cas du frère Benjamin, qui dirige un collège privé et déclare ne pas se soucier de choquer les gens avec son franc-parler. Il est ordonné prêtre à l’âge de 33 ans et avoue que la prière n’est toujours pas sa passion. Il utilise les réseaux sociaux pour partager des prêches en format selfie, avec un sourire éclatant et une mèche de surfeur immuable. Sa communauté en ligne est restée fidèle depuis son arrivée sur les réseaux, après son passage dans l’émission « C’est mon choix » où il a été présenté sans sa soutane comme ayant eu plus de 500 conquêtes amoureuses. Cette médiatisation a entraîné une vague de messages sur son compte Facebook et des demandes de baptême de la part des internautes bouleversés par son message. Le frère Benjamin continue de creuser son sillon virtuel grâce à ses reprises de chansons, attirant ainsi un public non chrétien sur son compte. Il s’efforce de répondre aux sujets populaires auprès de ses fans et développe des sujets tels que l’exorcisme, qui suscite un grand intérêt, ou prodigue des conseils pour une meilleure qualité de vie, à la manière d’un coach en développement personnel. Selon lui, c’est une nouvelle forme d’évangélisation qui assume cette réalité.

Cette nouvelle vocation d’influenceur peut également être dictée par les fidèles. Par exemple, le père Gaspard, qui est un prêtre diocésain, a décidé de se lancer sur les réseaux sociaux suite aux demandes des jeunes. Ces derniers passant beaucoup de temps sur ces plateformes, ils ont souhaité que le père Gaspard publie des petites catéchèses en vidéo. Ainsi, lors de ses randonnées, il répond spontanément aux questions posées par les jeunes, allant de la garde-robe des prêtres à la question du suicide. Les jeunes conseillent également le père Gaspard sur la manière d’augmenter sa notoriété, soulignant l’importance de la régularité des publications pour plaire à l’algorithme des réseaux sociaux.

Les influenceurs catholiques interviewés assument cette nouvelle forme d’évangélisation, qui, selon eux, fonctionne, même s’ils ne sont pas en mesure de mesurer son impact de manière quantitative. Selon le père Matthieu, environ un quart de ses abonnés sont des chrétiens pratiquants, la moitié sont baptisés, et le reste est composé d’agnostiques et de croyants d’autres religions. Le père Gaspard, quant à lui, ne se fie pas au nombre d’abonnés pour mesurer son influence, car les jeunes auraient un peu honte d’être abonnés à un prêtre.

Cependant, en regardant une première vidéo, ils finissent souvent par en regarder plusieurs, permettant ainsi à l’algorithme de faire son travail et de les toucher petit à petit. Selon le frère Paul-Adrien, ces influenceurs semblent réussir à toucher des gens qui ont retrouvé le chemin de la foi grâce à leurs vidéos. Ils sont souvent sollicités pour des demandes de conversion et sont considérés comme des vedettes lors des Journées mondiales de la Jeunesse. Cette affirmation de soi face à la caméra est cependant considérée comme